14 décembre 2025
Temu perquisitionné à Dublin : soupçons de subventions chinoises et implications pour l'UE

Temu perquisitionné à Dublin : soupçons de subventions chinoises et implications pour l'UE
Par Laetitia Lamari et Adrien Naeem
Résumé
Le siège européen de Temu à Dublin a été perquisitionné début décembre 2025 par des régulateurs de la Commission européenne, soupçonnant des subventions d'État chinoises en faveur du détaillant en ligne, filiale du groupe PDD Holdings. L'enquête s'inscrit dans le cadre du règlement de l'UE sur les subventions étrangères (FSR) et intervient alors que la Commission prépare des mesures sur le commerce électronique transfrontalier.
Les faits
Selon le rapport traduit de Reuters publié le 11 décembre 2025, les autorités européennes ont mené une inspection inopinée des locaux de Temu en Irlande. « Ça chauffe chez Temu. Le siège européen de Temu à Dublin a été perquisitionné la semaine dernière par les régulateurs de l'UE qui s'inquiètent de possibles subventions d'État chinoises », souligne Adrien Naeem.
La perquisition s'inscrit dans l'application du règlement sur les subventions étrangères (FSR) de la Commission, qui vise à détecter et sanctionner les aides publiques étrangères susceptibles de fausser la concurrence sur le marché unique. En cas de manquement, la Commission peut infliger des amendes allant jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires annuel consolidé d'une entreprise.
Temu, lancée en avril 2023 et filiale de PDD Holdings, revendique environ 116 millions d'utilisateurs mensuels en moyenne dans l'Union européenne selon son dernier rapport de transparence. La plateforme est devenue un acteur majeur du commerce en ligne en Europe grâce à une offre très bon marché sur une large gamme de produits.
Contexte réglementaire et commercial
La perquisition intervient alors que l'UE s'inquiète d'un afflux de petits envois à faible valeur venus de Chine, facilités par une exonération douanière pour les colis de moins de 150 euros. Les acteurs européens du commerce estiment que cette exemption crée une distorsion de concurrence en faveur de plateformes proposant des prix très bas.
La Commission européenne prévoit de supprimer cette exemption d'ici la fin de l'année prochaine, dans une série de mesures visant à rétablir l'équité concurrentielle.
Par ailleurs, Temu faisait déjà l'objet l'an dernier d'une enquête de la Commission au titre du cadre sur les services numériques, avec des conclusions préliminaires selon lesquelles la plateforme ne prendrait pas suffisamment de mesures pour empêcher la vente de produits illégaux.
Analyse des intervenants
Laetitia Lamari souligne que l'enquête montre la volonté de l'UE de lier enjeux commerciaux et questions de concurrence loyale : selon elle, l'application du FSR à des acteurs du commerce en ligne marque un tournant, car il ne s'agit plus seulement de réguler le contenu ou la sécurité des plateformes, mais aussi leur avantage compétitif potentiel lié à des aides étatiques étrangères.
Adrien Naeem insiste sur l'impact opérationnel et réputationnel pour Temu : la perquisition à Dublin et la mise en lumière de possibles subventions mettent la plateforme sous forte pression réglementaire en Europe et peuvent accélérer la réaction des concurrents et des distributeurs locaux.
La combinaison de la suppression prévue de l'exemption pour les petits colis et du FSR pourrait modifier significativement la structure de coûts et la compétitivité des importations à bas prix depuis la Chine. Laetitia ajoute que les sanctions financières, pouvant atteindre 10 % du chiffre d'affaires consolidé, constituent un levier puissant pour obtenir des engagements ou des remises en conformité.
Enjeux économiques plus larges
L'article de Reuters rappelle aussi que l'excédent commercial chinois a dépassé pour la première fois 1 000 milliards de dollars en novembre 2025, ce qui coïncide avec une hausse des exportations vers l'Europe. Ce contexte macroéconomique nourrit les préoccupations européennes sur la concurrence déloyale et les déséquilibres commerciaux.
Scénarios possibles
Les perquisitions sont généralement menées lorsque les régulateurs disposent d'éléments probants. Elles peuvent déboucher sur plusieurs issues :
- une coopération et des concessions de la part de l'entreprise en échange d'atténuations de sanction ;
- l'ouverture d'une procédure formelle pouvant aboutir à des amendes ou des remèdes structurels ;
- un classement de l'enquête si les preuves s'avèrent insuffisantes.
Pour l'heure, Temu n'a pas publié de commentaire public sur l'opération. La Commission, de son côté, a confirmé avoir effectué une inspection inopinée dans le cadre du FSR, sans nommer l'entreprise concernée.
Conclusion
L'opération de Dublin illustre la montée en puissance d'un arsenal réglementaire européen destiné à protéger le marché unique contre des distorsions liées à des aides étrangères. Les acteurs du e-commerce et les autorités nationales suivront de près l'issue de cette enquête, dont les conclusions pourraient redessiner les règles de concurrence pour les plateformes internationales opérant en Europe.
Citation de la Commission : « Nous confirmons que la Commission a procédé à une inspection inopinée dans les locaux d'une entreprise active dans le secteur du commerce électronique au sein de l'UE, dans le cadre du règlement sur les subventions étrangères. »