14 décembre 2025

Deloitte au Canada : rapport pour Terre‑Neuve‑et‑Labrador miné par des « citations fantômes »

Deloitte au Canada : rapport pour Terre‑Neuve‑et‑Labrador miné par des « citations fantômes »

Deloitte au Canada : rapport pour Terre‑Neuve‑et‑Labrador miné par des « citations fantômes »

Un rapport stratégique commandé par le gouvernement de Terre‑Neuve‑et‑Labrador est au centre d’une nouvelle polémique. Plusieurs références citées pour étayer des recommandations sur la dotation en santé se révèlent introuvables, relançant les questions sur les méthodes de travail du cabinet Deloitte et sur l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle.

Un document majeur, des références manquantes

Le rapport, long de plus de 500 pages et destiné à élaborer un plan de dotation pour le secteur de la santé de la province, a été remis par Deloitte pour un montant officiellement rapporté à environ 1,6 million de dollars canadiens. Quelques mois après sa publication, des chercheurs mentionnés dans le document ont dénoncé l’existence de références « fausses » ou « potentiellement générées par l’IA ».

Des expertes reconnues, comme la professeure émérite Martha MacLeod et la chercheuse Gail Tomblin Murphy (Dalhousie University), ont déclaré qu’elles n’avaient jamais coécrit certaines études attribuées par le rapport. Selon les enquêtes publiées dans la presse canadienne, au moins quatre références citées dans le texte ne correspondent à aucune publication connue et certains liens inclus renvoient vers des ressources réelles sans rapport avec les affirmations avancées.

Les avis des intervenants

Laetitia Lamari, commentant l’affaire, juge la situation préoccupante : « Ils n'ont pas appris de leurs erreurs… Deloitte est éclaboussé par un rapport truffé de citations fantômes. » Elle ajoute, sur le ton de l’indignation, « Ils sont vraiment de mauvaise foi. »

Adrien Naeem, pour sa part, souligne l’ampleur du dossier et l’inquiétude que suscite un tel niveau d’imprécision : « Je sais pas… enfin ils l'ont vendu plusieurs centaines de milliers de dollars canadiens », remarque‑t‑il, avant que les chiffres officiellement communiqués ne soient précisés.

Deloitte répond et invoque un usage limité de l'IA

Face aux signalements, Deloitte a reconnu la présence d’erreurs dans le rapport mais a précisé que l’intelligence artificielle n’avait pas rédigé le texte : selon le cabinet, des outils automatisés n’auraient été utilisés que pour identifier des sources potentielles destinées à étayer les analyses, et non pour produire le contenu lui‑même.

Cette défense peine cependant à convaincre certains chercheurs et élus locaux, d’autant que plusieurs des citations contestées servent à justifier des recommandations opérationnelles — sur le recrutement, les incitations financières ou la gestion des effectifs — dont les conséquences budgétaires et organisationnelles sont réelles.

Un précédent en Australie et des conséquences politiques

Le dossier canadien survient quelques semaines après un autre incident impliquant Deloitte en Australie, où un rapport avait déjà dû être corrigé pour des citations erronées et des études inexistantes. À l’époque, Deloitte avait accepté de rembourser partiellement des frais engagés par un gouvernement local.

À Terre‑Neuve‑et‑Labrador, le gouvernement n’a pas encore indiqué s’il demandera un remboursement ni s’il révisera ses procédures pour encadrer l’usage d’outils automatisés dans les prestations externalisées. L’opposition locale a pour sa part dénoncé une atteinte à la confiance publique, surtout lorsque des décisions touchent à la santé et au recrutement de personnels soignants.

Enjeu : confiance et méthodologie

Au‑delà du cas Deloitte, l’affaire interroge sur les méthodes de vérification des références dans les rapports commandés par des institutions publiques et sur la traçabilité des processus de travail lorsqu’ils intègrent des outils numériques ou des assistances automatisées.

Laetitia Lamari conclut sur cette nécessité : « Il faut des standards clairs et des contrôles indépendants. » Adrien Naeem insiste sur la prudence : « Quand des décisions publiques reposent sur des analyses, la fiabilité des sources doit être non négociable. »

Sources : documents publics et enquêtes de presse sur le rapport remis à Terre‑Neuve‑et‑Labrador ; déclarations publiques de chercheurs cités.